Friday, 4 March 2005

Journalisme et sports extrêmes


Le décès d’un randonneur survenu au Parc des Grands jardins occupe la une des médias depuis hier. Or il y a lieu de dissiper la confusion journalistique qui entoure cet événement ainsi que certains sports dits extrêmes.

D’abord, l’accident d’hier implique un randonneur qui pratiquait la raquette. Ce sport n’a rien à voir avec l’alpinisme ou encore l’escalade. Pourtant, les journalistes n’ont pas résisté à la tentation de faire un rapprochement avec d’autres décès survenus en escalade de roche.

Hier au Téléjournal, les mots alpinisme et escalade ont été prononcés mais jamais la raquette. Aujourd’hui dans La presse, on explique les circonstances du décès mais on affiche une photo d’un couple décédé en escalade de roche au Cap Trinité. En plus, on les qualifie d’alpinistes alors qu’il s’agit plutôt d’un couple de grimpeurs. C’est un peu comme si à la suite d’un décès au baseball, on parle des dangers du hockey avec une photo de football.

Pour le bénéfice des lecteurs, permettez-moi d’expliquer les différences entre ces sports de plein air. L’alpinisme est de la randonnée pédestre qui se pratique en haute altitude donc en conditions hivernales. Les alpinistes sont chaussés de bottes rigides à crampons et utilisent un piolet de marche. Ils se déplacent simultanément. L’escalade proprement dite consiste à gravir une paroi rocheuse verticale. C’est un sport qui se pratique au dessus de 10 degrés Celsius, les mains nues et les pieds chaussés de chaussures minces et flexibles, appelées varappes. L’escalade de glace consiste à gravir une paroi glacée verticale. C’est un sport d’hiver qui se pratique chaussé de bottes à crampons comme pour l’alpinisme mais avec deux piolets de glace qui sont plus courts et légers que le piolet de marche. Les grimpeurs se déplacent généralement un à la fois et les distances franchies sont beaucoup plus courtes qu’en alpinisme. En revanche, la difficulté technique est plus importante.

Permettez-moi aussi d’expliquer les causes des accidents survenus récemment en escalade. D’abord celui du Cap Trinité n’a rien à voir avec la difficulté technique de cette paroi. La chute est due à deux facteurs combinés soit d’une part, la méconnaissance du bivouac (lit suspendu) utilisé et d’autre part, l’imprudence de ne pas avoir doublé l’assurage avec les harnais. Le même accident serait survenu si le couple avait testé le bivouac sur leur balcon. 

Ensuite la chute survenue au mont Orford n’est pas due à un bris d’équipement contrairement à ce que la journaliste prétend. En fait, la cause est beaucoup plus bête. Alexandre a acheté une sangle que le magasin avait collée en forme de boucle avec du ruban adhésif afin qu’elle tienne sur le crochet du présentoir. Or il s’est auto-assuré avec cette sangle comme si elle était cousue ou nouée en boucle. Évidemment son poids a déchiré le ruban adhésif et la sangle s’est ouverte.

Bref, la plupart des accidents en escalade sont dus à des erreurs stupides et auraient pu être évités. Ces mêmes erreurs d’inattention surviennent en ski ou en moto-neige et entraînent autant de décès (plus d’une vingtaine cette année seulement). J’ajouterais même que la forme physique exceptionnelle que confère l’escalade compense largement ses dangers. Il est sûrement plus risqué de mourir du cœur en passant ses journées devant la télévision que d’une chute en escalade.

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