Tuesday, 3 October 2006

La violence n’a pas de frontières


La tuerie de Virginia Tech nous rappelle que ni la modernité, ni la loi 101 ne sont responsables de la violence. En fait, la violence n’a pas de frontières : un peu partout, des citoyens « ordinaires » pètent des plombs et parfois commettent l’irréparable. Ce phénomène n’est pas différent au Québec qu’ailleurs en Amérique du Nord.

Je ne crois pas qu’il faille démoniser les auteurs de ces crimes odieux. J’ose même croire qu’un nombre beaucoup plus important de citoyens « ordinaires » jonglent  quotidiennement avec des fantasmes homicides. Heureusement, une infime proportion d’entre eux passe du fantasme à l’acte.

À chercher des explications trop faciles à ces crimes ou trop politiquement correctes, on passe à coté du vrai problème. À vouloir récupérer ces crimes à des fins politiques comme les féministes avec la tuerie de Polytechnique, on n’accomplit pas davantage. Au fond, nous savons tous hypocritement que nul n’est à l’abri du mal de vivre. Toutefois, nous refusons l’idée que la violence habite tout et chacun d’entre nous. Or parfois, le mal de vivre se synchronise avec une fragilité passagère de la personnalité et l’inexplicable se produit. Ces facteurs présentent la même faible probabilité de converger que ceux entrainant la chute d’un viaduc. Tel est le propre du crime passionnel. Son auteur ne partage aucunement les desseins ni l’état d’esprit des criminels classiques.

Ces tueries qui se succèdent l’une après les autres m’attristent mais ne me surprennent pas.  Je m’étonne même qu’elles surviennent si rarement compte tenu compte tenu de la violence sourde qui habite plusieurs de nos concitoyens. Réveillons-nous car nous dormons sur une poudrière. Il nous faut mettre en place des mécanismes de prévention.

La première étape d’un plan de prévention consiste à cesser de traiter ces auteurs de crimes passionnels comme des criminels classiques. Qu’ils s’agissent de célèbres fusillades ou encore, à plus petite échelle, de drames conjugaux, ces hommes ou ces femmes sont à la base des citoyens ordinaires qui ont simplement dérapé. Or ce dérapage est un processus long et progressif qui ne passe pas inaperçu. En effet, les gens qui souffrent émettent toujours des signaux de détresse avant de passer à l’acte. Or souvent leurs proches ferment les yeux au lieu d’intervenir avec les conséquences qu’on connaît.

L’Internet constitue un médium de communication de prédilection pour les jeunes. De ce fait, il constitue donc également un outil important pour sonder leurs états d’âme. Dans la tête des jeunes, la frontière est mince entre le virtuel et le réel. Aussi ne faut-il pas prendre à la légère leurs menaces virtuelles. On l’a compris récemment au Québec avec la vague d’arrestation de jeunes qui a suivi les événements de Dawson.

Hélas, on l’a compris de la mauvaise manière. Alors que ces jeunes ont un urgent besoin de support psychologique, on les incarcère. On les prive ainsi non seulement de l’aide d’un psychologue mais aussi de l’aide de leur famille et amis. En plus, on les humilie publiquement. Déjà au départ, ces jeunes présentaient une personnalité vulnérable. Or le processus judiciaire les fragilise encore davantage. C’est exactement le même traitement qu’on réserve aux hommes accusés de violence conjugale.

Il faut bien comprendre une fois pour toutes que la prison n’est pas une thérapie pour les auteurs de crimes passionnels. L’état dépressif du prévenu combiné à la mauvaise influence des codétenus est un cocktail explosif. Ça passe ou ça casse. À mon sens, la criminalisation  de la violence conjugale explique l’augmentation du taux de drames conjugaux qui se concluent en homicide (suicides inclus). Or j’ai bien peur que le même phénomène social se reproduise chez les jeunes accusés de menaces virtuelles.

Une intervention adéquate ne consiste donc pas à jouer à l’autruche, ni à jeter de l’huile sur le feu. Une bonne intervention consiste à impliquer des professionnels de la santé mentale et non les professionnels de la justice. L’incarcération ne procure qu’un sentiment illusoire et passager de sécurité. Tôt ou tard le prévenu sera libéré et sa détresse intérieure sera alors peut-être convertie en rage profonde contre la société. L’usage de la force ne fait que reporter sinon amplifier le problème. La répression policière n’est pas une solution. Ce vieil adage s’applique également à une société entière : « Qui vit par l’épée, meurt par l’épée ».

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