La tuerie de
Virginia Tech nous rappelle que ni la modernité, ni la loi 101 ne sont
responsables de la violence. En fait, la violence n’a pas de frontières :
un peu partout, des citoyens « ordinaires » pètent des plombs et
parfois commettent l’irréparable. Ce phénomène n’est pas différent au Québec
qu’ailleurs en Amérique du Nord.
Je ne crois
pas qu’il faille démoniser les auteurs de ces crimes odieux. J’ose même croire
qu’un nombre beaucoup plus important de citoyens « ordinaires »
jonglent quotidiennement avec des
fantasmes homicides. Heureusement, une infime proportion d’entre eux passe du
fantasme à l’acte.
À chercher
des explications trop faciles à ces crimes ou trop politiquement correctes, on
passe à coté du vrai problème. À vouloir récupérer ces crimes à des fins
politiques comme les féministes avec la tuerie de Polytechnique, on n’accomplit
pas davantage. Au fond, nous savons tous hypocritement que nul n’est à l’abri
du mal de vivre. Toutefois, nous refusons l’idée que la violence habite tout et
chacun d’entre nous. Or parfois, le mal de vivre se synchronise avec une
fragilité passagère de la personnalité et l’inexplicable se produit. Ces
facteurs présentent la même faible probabilité de converger que ceux entrainant
la chute d’un viaduc. Tel est le propre du crime passionnel. Son auteur ne
partage aucunement les desseins ni l’état d’esprit des criminels classiques.
Ces tueries
qui se succèdent l’une après les autres m’attristent mais ne me surprennent
pas. Je m’étonne même qu’elles
surviennent si rarement compte tenu compte tenu de la violence sourde qui habite
plusieurs de nos concitoyens. Réveillons-nous car nous dormons sur une
poudrière. Il nous faut mettre en place des mécanismes de prévention.
La première
étape d’un plan de prévention consiste à cesser de traiter ces auteurs de
crimes passionnels comme des criminels classiques. Qu’ils s’agissent de
célèbres fusillades ou encore, à plus petite échelle, de drames conjugaux, ces
hommes ou ces femmes sont à la base des citoyens ordinaires qui ont simplement
dérapé. Or ce dérapage est un processus long et progressif qui ne passe pas
inaperçu. En effet, les gens qui souffrent émettent toujours des signaux de
détresse avant de passer à l’acte. Or souvent leurs proches ferment les yeux au
lieu d’intervenir avec les conséquences qu’on connaît.
L’Internet
constitue un médium de communication de prédilection pour les jeunes. De ce
fait, il constitue donc également un outil important pour sonder leurs états
d’âme. Dans la tête des jeunes, la frontière est mince entre le virtuel et le
réel. Aussi ne faut-il pas prendre à la légère leurs menaces virtuelles. On l’a
compris récemment au Québec avec la vague d’arrestation de jeunes qui a suivi
les événements de Dawson.
Hélas, on
l’a compris de la mauvaise manière. Alors que ces jeunes ont un urgent besoin
de support psychologique, on les incarcère. On les prive ainsi non seulement de
l’aide d’un psychologue mais aussi de l’aide de leur famille et amis. En plus,
on les humilie publiquement. Déjà au départ, ces jeunes présentaient une
personnalité vulnérable. Or le processus judiciaire les fragilise encore
davantage. C’est exactement le même traitement qu’on réserve aux hommes accusés
de violence conjugale.
Il faut
bien comprendre une fois pour toutes que la prison n’est pas une thérapie pour
les auteurs de crimes passionnels. L’état dépressif du prévenu combiné à la
mauvaise influence des codétenus est un cocktail explosif. Ça passe ou ça
casse. À mon sens, la criminalisation de
la violence conjugale explique l’augmentation du taux de drames conjugaux qui
se concluent en homicide (suicides inclus). Or j’ai bien peur que le même
phénomène social se reproduise chez les jeunes accusés de menaces virtuelles.
Une
intervention adéquate ne consiste donc pas à jouer à l’autruche, ni à jeter de
l’huile sur le feu. Une bonne intervention consiste à impliquer des
professionnels de la santé mentale et non les professionnels de la justice.
L’incarcération ne procure qu’un sentiment illusoire et passager de sécurité.
Tôt ou tard le prévenu sera libéré et sa détresse intérieure sera alors
peut-être convertie en rage profonde contre la société. L’usage de la force ne
fait que reporter sinon amplifier le problème. La répression policière n’est pas
une solution. Ce vieil adage s’applique également à une société entière :
« Qui vit par l’épée, meurt par l’épée ».
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