La faculté la plus remarquable de l’humain est certainement sa conscience. Elle n’est égalée que par son déni.
Alors que l’humain n’est essentiellement qu’un maillon dans la chaine alimentaire, il se croit au-dessus des lois biologiques, moralement supérieur à la bête et même promis à une vie éternelle. Or, tous les êtres vivants sur Terre, de l’organisme unicellulaire jusqu’au mammifère en passant par les bactéries, les plantes et les champignons appartiennent à un même écosystème, dépendent tous les uns des autres et sont régis par les mêmes lois biologiques. Si la Nature a horreur du vide, elle prend tout autant en grippe (sans jeu de mots) les espèces vivantes trop envahissantes. C’est actuellement le cas de l’humain. La présente pandémie est une stratégie de la Nature parmi d’autres pour débarrasser la planète de ce mammifère bipède devenu un peu trop dérangeant. L’humanité survivra assurément au coronavirus mais, tôt ou tard, un éventuel virus s’avérera beaucoup plus létal.
La Nature utilise couramment des agents pathogènes (virus, bactéries, prions, parasites) pour limiter la population des espèces vivantes trop abondantes. Par exemple, la maladie débilitante chronique du cervidé (MDC)a contaminé les grandes populations de chevreuils près de certaines zones urbaines, là où leurs prédateurs naturels sont artificiellement absents à cause de la présence humaine. Cette encéphalopathie spongiforme issue d’un prion, un agent pathogène plus petit encore qu’un virus, est une maladie transmissible fatale, proche de la maladie de la vache folle et de la tremblante du mouton, mais qui n’affecte spécifiquement que les cervidés. Cette maladie a été détectée dans 26 états américains depuis 1967. En 2018, la maladie a également été détectée dans un cheptel d’élevage de cerfs rouges en Outaouais et 3000 bêtes ont été abattues à titre préventif afin d’éviter que la maladie se transmette à la faune locale. Le coronavirus joue essentiellement même rôle que le MDC mais pour l’humain.
D’autres agents pathogènes nous ont aussi dans leur mire. L’invention des antibiotiques a permis une explosion historique de la population humaine au XXème siècle. Hélas, la surutilisation des antibiotiques notamment en agriculture intensive et leur diffusion dans l’écosystème a développé des superbactéries qui, de mutation en mutation, leur sont de plus en plus résistantes grâce à la sélection naturelle. D’ailleurs, la première génération d’antibiotiques comme la pénicilline n’est plus efficace ni utilisée à des fins thérapeutiques. Les microbiologistes développent sans cesse de nouveaux antibiotiques pour prendre la relève des précédents mais les superbactéries s’adaptent sans cesse. Bactéries et scientifiques sont donc engagés dans un duel dont l’issu sera fatal pour l’une ou l’autre des parties. Je vous laisse deviner laquelle.
L’humanité est-elle condamnée? Sans aucun doute dans sa forme actuelle. Elle recule devant la menace de ces agents pathogènes d’un côté et la menace environnementale de l’autre notamment avec le réchauffement climatique et ses conséquences de plus en plus catastrophiques. Or, l’étau se resserre progressivement entre les deux. Il est grand temps que l’humain fasse preuve d’humilité et sorte du déni : il n’est pas un être supérieur créé à l’image de Dieu mais simplement une espèce animale qui s’est aléatoirement et temporairement retrouvée au sommet de la pyramide alimentaire. Heureusement, la plupart des croyants demeurent suffisamment lucides pour éviter les rassemblements à l’église. Hélas, certains intégristes continuent de prier en groupe : ce fût notamment le cas de l’église chrétienne Shincheonji que les autorités accusent d’avoir causé l’explosion du virus en Corée du sud.
Il n’y a pas que la religion qui anesthésie la conscience humaine. Le capitalisme y arrive tout autant mais à sa manière. Nombres d’occidentaux trouvent leur réconfort dans le workaholisme et la consumérisme; ils courent vers nulle part comme un hamster dans sa roue jusqu’au jour où une pandémie les force au confinement. Peut-être alors que l’absurdité de leur course effrénée leurs crèvera les yeux : l’amour qui est la principale raison de vivre n’a pas besoin de tous ces artifices.
Depuis les événements du 11 septembre 2001, l’expérience de prendre l’avion n’a plus jamais été la même. Je prédis que la pandémie actuelle aura encore plus d’impact. Les douaniers procéderont désormais à des tests de dépistage d’infection auprès des voyageurs internationaux. Peut-être même que la température corporelle sera télémesurée afin de détecter une fièvre et ainsi bloquer l’accès à un événement social et ainsi prévenir une contagion potentielle. Lorsqu’un patient testera positif, des algorithmes basés sur la position GPS de son cellulaire permettront de retracer qui il a potentiellement infectés; d’ailleurs, les chinois le font déjà.
Le commerce international est nettement avantageux sur le plan économique et n’a jamais été aussi florissant qu’au XXIème siècle. Toutefois, lorsque les frontières se referment pour des raisons politiques ou sanitaires, on réalise alors les inconvénients d’une telle dépendance internationale. Un phénomène analogue existe à l’échelle nationale. Les emplois sont de plus en plus spécialisés, ce qui, encore une fois, est plus efficace sur le plan économique. En revanche, les citoyens sont de moins en moins polyvalents et autonomes. Par exemple, la plupart de nos professionnels n’ont plus aucune habilité manuelle. Que faire alors quand une conduite d’eau éclate en plein confinement? L’Internet a également rendu notre société plus efficace mais lorsque le réseau tombe, les citoyens n’ont jamais été si dépourvus. L’agriculture industrielle procure un meilleur rendement mais ce rendement accru est une arme à deux tranchants. Le bétail moderne a été optimisé génétiquement pour son rendement mais sa faible diversité génétique le rend fort vulnérable d’un point de vue infectieux. Bref, tous ces exemples rappellent un bon vieux principe de biologie : l’adaptation réduit l’adaptabilité. C’est pourquoi les dinosaures ont disparu presqu’instantanément de la surface du globe. Le même risque guette désormais l’humain.
Une population limitée d’individus d’une même espèce dans une zone géographique donnée est rarement décimée par une maladie infectieuse. Les pourfendeurs de l’étalement urbain ont tout faux. La population humaine doit se disperser sur le territoire et se nourrir localement autant que possible. L’agriculture doit être intégrée, diversifiée, décentralisée et biologique. La pérennité des terres agricoles doit l’emporter sur le rendement immédiat. La monoculture, les pesticides et les engrais chimiques ne sont pas une solution durable car ils tuent la biomasse du sol et finissent par détruire nos terres arables.
On peut fabriquer son savon, recycler les couches du bébé, aller travailler à vélo à la pluie battante, s’habiller avec du tissu recyclé et même devenir végan mais cela ne fera que reporter le vrai problème : il y a trop d’homo sapiens sur notre petite planète. Alors, nos dirigeants tant politiques que religieux doivent changer de discours et contraindre la natalité. Sans aller jusqu’à restreindre chaque parent à un enfant, il faudrait se questionner sur la pertinence des crédits d’impôts, prestations familiales et autres avantages fiscaux pour le troisième enfant. Il faudra aussi partout décriminaliser l’avortement. Nos dirigeants devraient finalement apprendre à bâtir une économie durable où l’on cesse de pelleter dans le futur la dette des promesses électorales du moment. La vitalité de l’économie ne doit plus dépendre de la seule croissance démographique.
La sélection naturelle a façonné l’homo sapiens sur quelques centaines de milliers d’années et ce, en fonction de l’environnement qui prévalait à l’ère du paléolithique moyen. Malgré sa grande capacité d’adaptation, l’humain sera toujours plus heureux dans un environnement qui ressemble à celui pour lequel il a été conçu. Or, notre société moderne n’est pas optimisée pour combler les besoins humains. On l’observe du coté alimentaire avec l’épidémie d’obésité mais aussi du côté cognitif avec l’épidémie de dépression. L’humain sera toujours plus heureux entre deux arbres que deux murs de béton. Refuser d’admettre cette réalité biologique est un autre déni bien à la mode de nos jours.
En terminant, le coronavirus ne tue pas les personnes en bonne santé mais devance l’échéance fatidique de ceux qui ont déjà un pied dans la tombe. Il faudra bientôt se poser des questions morales délicates : est-il vraiment éthique de détruire l’économie et ainsi la qualité de vie des jeunes familles pour étirer davantage celle des aînés ou encore des enfants malades condamnés? En voulant s’opposer à la sélection naturelle, l’humain ne nage-t-il pas à contre-courant? La vie a une fin. Tant que l’humain ne l’acceptera pas, il ne profitera pas pleinement de sa courte existence.
Il est quand même fascinant de constater que la sélection naturelle n’affecte pas seulement ici les plus faibles physiquement mais aussi les plus faibles psychiquement; en effet, la pandémie actuelle affecte davantage les revenus des travailleurs maîtrisant moins l’informatique…
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