Tuesday, 16 December 2008

Le mythe de la vitesse qui tue.


Notre journée de ski en famille avait bien mal commencé: 2 points d’inaptitude pour avoir rouler à 74 km/h dans une zone de 50. Le hic, c’est qu’à 7 :00 Am le dimanche matin, les rues sont désertes à Longueuil. L’autre hic, c’est que je m’engageais dans la bretelle d’accès de l’autoroute 132. Or pour atteindre 100 km/h à partir de 50 km/h, on doit forcément passer par 74 km/h mais, hélas, les policiers ne sont pas tous doués en physique mécanique.

Nous avons mis 4 heures pour nous rendre au Mont Tremblant ! Finalement, c’aurait été plus rapide d’aller skier au Massif. Des charrues déneigeaient la voie à 40 km/h et un camion de la voirie nous empêchaient délibérément de les dépasser. Ma conjointe a fait le 511 pour se plaindre. Or le fonctionnaire lui a expliqué en bon curé que le ministère des transports voulait simplement nous protéger contre les aléas de la conduite hivernale, et ce, même en Nissan X-Terra. Heureusement que la poudreuse était généreuse à Tremblant…

En lisant la Presse ce matin, j’ai été touché de constater que les fonctionnaires de la voirie n’étaient pas les seuls à se faire du mauvais sang  pour ma sécurité. Avec un brin de condescendance, Marie-Claude Lortie nous a même rappelé comment interpréter un panneau « céder le passage » et quelle distance il faut maintenir avec le véhicule d’en avant. J’aimerais lui rappeler à mon tour que la voie de gauche est réservée au dépassement et que la courtoisie au volant implique également de permettre aux autres automobilistes d’entrer sur l’autoroute en se déplaçant au besoin sur la voie du centre. En Italie, le code de la route prévoit même une contravention pour les conducteurs qui ont oublié à quoi servait la voie de gauche. Dans les circonstances, un petit appel de phare est un rappel bien courtois pour les conducteurs amnésiques.

En roulant à 40 km/h vers le Mont Tremblant dimanche, un panneau a retenu mon attention : rouler à 140 km/h sur la 117 coûte désormais 10 points d’inaptitude. Je comprends encore une fois qu’on veut me protéger mais il y a une limite au délire collectif.  L’imprudence, la fatigue, l’alcool, la drogue, l’inexpérience, la distraction, la mauvaise condition mécanique du véhicule et même la testostérone sont toutes des causes d’accidents mais non la vitesse pure. Faut-il rappeler que les bilans des accidents mortels sur les autoroutes en Allemagne et dans l’état du Montana sont parmi les plus bas au monde (6.5/100,000) alors qu’il n’y a même pas de limites de vitesse? Finissons en avec ce mythe de la vitesse qui tue.

Nul besoin d’être ingénieur pour comprendre que le critère le plus objectif et scientifique pour déterminer la vitesse sécuritaire d’un véhicule est sa distance de freinage. C’est pourquoi, en Europe, les poids lourds ne peuvent généralement pas dépasser 90 km/h alors que la limite pour les automobilistes atteint souvent 130 km/h. En France, la limite de vitesse pour nouveaux conducteurs est même inférieure de 20 km/h. Nos politiciens auraient avantage à s’inspirer du modèle européen.

Au Québec, la limite de vitesse est la même pour tout le monde (et incidemment les contraventions) alors que la distance de freinage est très variable d’un véhicule à l’autre.  N’en déplaise aux Foglia de ce monde, un père de famille de 40 ans qui savoure sa Porsche à 140 km/h sur l’autoroute par une journée ensoleillée ne représente pas un danger public. En effet, sa distance de freinage est plus courte que la plupart des autres véhicules sur la route qui roulent à 100 km/h, y compris les voitures de police.

Depuis 50 ans, la performance et la sécurité des véhicules n’ont jamais cessé de s’améliorer. Pourtant, les limites de vitesse au Québec n’ont pas suivi. Bien au contraire, elles ont diminué. Est-ce à dire que l’état était irresponsable de fixer à 70 mph la limite de vitesse dans les années 60?  Depuis cette époque,  l’État québécois a instauré le fameux système des points d’inaptitude en plus d’augmenter le montant des contraventions. Et tout récemment, la loi a été changée pour doubler les points d’inaptitude pour les grands excès de vitesse, suspendre le permis de conduire et saisir le véhicule sur le champ.  Comme si ce n’était pas suffisant, le nombre de points d’inaptitude double à chaque nouvelle infraction sur une période de 10 ans ! Concrètement, cela signifie qu’une deuxième offense à 160 km/h implique la suspension du permis pour au moins 2 ans et peut-être même 4 ans !!

Plusieurs hommes d’affaires dépendent de leur véhicule pour gagner leur vie. On doit se questionner sérieusement sur la moralité de les empêcher de travailler pendant des années pour une infraction au code de la route, qui souvent, d’un point de vue scientifique, ne comporte pas de dangers objectifs. Ces conducteurs de grosses berlines allemandes sont peut-être mal aimés du public mais, ne l’oublions pas, ils demeurent quand même des acteurs importants de notre économie. Or la peine ici est disproportionnée par rapport à l’offense. Faut-il rappeler au Parti Libéral qu’il a été élu au Québec et non en Iran?

Je suis d’accord pour taxer la vitesse avec des contraventions salées mais pas avec des points d’inaptitude. À l’instar de la taxe sur le bon vin, il s’agirait d’une taxe d’amusement. De façon naturelle, seuls les propriétaires de véhicules sécuritaires à haute vitesse auraient les moyens d’acquitter ces contraventions. Le cas des jeunes conducteurs à casquette à l’envers serait également réglé.

Une autre idée serait d’émettre un permis de conduire moins restrictif quant à la vitesse mais plus dispendieux. Un tel permis spécial à l’intention des propriétaires de véhicules performants constituerait une nouvelle source de revenus pour l’état et pourrait même relancer l’industrie automobile. Bref, le législateur aurait intérêt à faire un petit effort de créativité et cesser de nous sermonner avec la vitesse.

Je ne veux pas minimiser ici les tragédies qu’engendrent les accidents mortels mais jusqu’où doit-on s’insurger contre la fatalité? Hélas, l’unique moyen d’éviter un accident est de ne pas prendre la route. Même raisonnement pour l’avion ou encore le vélo. Et tant qu’à y être, aussi bien éviter le ski car ce sport compte également son lot d’accidents mortels à chaque année. Nul ne peut échapper à la fatalité, même en restant à la maison. Pas plus tard que la semaine passée, un avion s’écrasait en plein Los Angeles et faisait plusieurs morts au sol.

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